Poèmes en hommage à mon père
LES MOTS DE MA MÈRE
Je suis ton séjour
Errante de la vie
Tranchée aux décors
Des édifices imaginaires
Une épopée à inventer
Dont la démesure
Est à l’œuvre
L’obsessionnelle
Qui gomme ses traces
D’inexistence
Étrange alliance
Qu’atteste un quotidien
Aux tours de table
Des partitions secrètes
Dis-moi tout, cannibale !
De ta haine, de ton désir
Et du plaisir à posséder
Mon altérée
Pendue à son trousseau
Une multitude faite d’imprésence
Et parfois, lui, dans l’inabsence
Et moi qui oscille aux frontières
Sur le sentier des murs
Au passoir des grands chemins
Aux vents mauvais
Et déjà en partance
Homme désemparé !
Tu pleures un navire fou
Tes amis ne plaisent plus
A l’amante en exil
Qui rassemble au trottoir
La plaie des choses
Jetées à ta figure
D’une queue entière
Un demi-queue
Un séducteur
Un endeuillé
Qui parle
Chuchote
Des hurlements
Des rêves d’enfants
Maitre-meuble !
À tes muses, l’enfer
Des saintetés tenancières
Ils crèvent de foie
Ces doigts si maltraités
Quand ils fricotent
Le blanc-noir de la vie
Avec cette manie d’astiquer
D’ignorer le tapage, la trahison
Les jalousies au goût de meurtre
Les lieux d’inceste
La magie qui se perd
Et quand à force
Ils ont pleuré
Avant de lâcher prise
Ouvrant l’espace aux infidèles
Ma pensée vérité
Dans mon discours-maison
À tous lieux
Paysages qui s’emboitent
Poupées russes au rebut
Comme cercueils
D’une famille toute entière
Féologie !
À jamais dupe de ton amour…
PHOTOGÉNIQUE
Il n’y avait rien de plus précieux
Aux plis des livres secrètement veillés
Rien d’aussi beau et hypnotique
Confié au culte de nos mille souverains
Rien de plus magistral en ces gravures profanes
Que tes seins de madonne et ton cul chimérique
Nul besoin de les relier. Je les étale
Et j’en dispose aux murs de ma chambrée.
J’en écris des poèmes affligés
Qui rivalisent avec ton sexe
Mais qui n’ont pas
Le grand pouvoir de l’incarné.
Je vais l’enlever à son enclos
Et le poser en mes décors.
Il n’y a rien de plus précieux
Que ce goût de noisette
Et ce parfum de lait
Qui me reviennent à l’âme
… Et de savoir mon privilège.
RACIALES
Demandons à Shakespeare ce qu’il en dit
Il en fait une affaire d’écus.
La peur d’une infortune
En des natures méfiantes.
Connaissant l’homme
Comme le fond de sa culotte,
Il sait que nous sommes tous des frères
Les fils d’Adam et Eve
Caïn-cahan, Abel et Bête…
MARTIALES
Patiente…
Tends l’inertie
Aiguille le choc
Ne livre pas tes forces
À l’inconnu
Et au contraire
Lâche ses revers…
Art digne de l’effacement…
PROSAÏQUE
Je ne me souviens d’aucune immensité,
Faute d’en avoir aimée ou détestée,
Plus propice à ma prose que tous vos paysages…
Mais de cette langue monotonie, mêlant coliques
À ces murs de façades, à ces falaises désagréées.
Je daigne pourtant m’en inspirer,
Faute d’en vouloir aimer ou détester,
Un, une, et autres que moi-même, un peu trop sage,
En ses détours, ses calembours mnémologiques,
Méli-mêlant le nord au sud et les grands axes émondés.
Les marins en socquettes, au membre entier
De l’ineffable Jean Genêt.
Les amantes affairées, abusant des images,
De la Néva et de ses sources névralgiques
Mêlées au sang des ormes et des félicités.
Les très tranquilles insignifiés
De l’intranquillité
Pour quelques lignes en héritage
La quintessence de l’ombilic et du lombric.
Dadaïstes inconnus mais jamais oubliés
Je suis en verve après un gamay bien chanvré.
Rimes en rhizomes décérébrés
Dans l’écheveau des marécages
Et des mystères astrophysiques,
Des infinis sonores qui m’auront précédé.
JUNKIE
Les diarrhées comme l’eau pure du ruisseau.
Les constipures, pierres de silex.
Les vomissures, celles des gargouilles
Torrentes des spasmes de l’orage.
Nourri de rêves et de sommeil,
De l’eau du ciel.
La strie des lymphes sanguines
Perle à mes tempes et à mon cou
Sous ma griffe somnambule.
Tétanos bleuissant. Colonies électriques.
Crapeau enkysté
Aux armes qu’il me reste.
Fidèle nausée…
Douce asphyxie…
Et l’attente… hivernale !
Effroyable ! De prières et d’incantations.
La trahison de l’employé.
Les prévenants ont la garantie d’être morts.
Les oublieux, eux, luttent encore… tout contre.
Au corps-à-corps avec leur sang.
Et quand dans leur cœur sonne l’emprise…
Tous ces battements… les pas du rituel…
Battements de pucelle…
Sont comme des cillements d’air.
Douce asphyxie…
JE T’AIME
Je t’aime…
À cet instant, je t’aime…
Demain, peut-être pas
Mais très sûrement
Le lendemain
Je t’aime…
Puis je t’oublie…
Ne sois pas triste
Car tu reviens toujours
En mon ennui
Et tu conduis la note
Que les bruits tout autour
Ont tenté d’étouffer
EXEMPLE
En exemple : les pornographes…
Mental de tirailleur
À mille combats
Du pauvre artificier
Le droit et l’ouverture…
Mon âme au diapason
Mise hors d’émoi
Nudifiée à présent
De son très juste emploi
Où l’on exchange
Sa vaine parure
Contre une rivière
Et l’eau et l’air
Qui la caresse
Où nul tourment
Ne trouble les unifiants
Où aucune âme
Ne s’est noyée
DOULEUR
De toi, je serai chair. Uniquement chair.
Le sang dans la machine.
Les crampes et tremblements.
Les déchainements.
La brûlure au milieu
Qui irradie.
L’infatigable frisson.
La crispation.
Le secret de ta force.
L’eau, l’ure, le sang,
Les râles, les soubresauts.
L’âme nouée à la chair.
Sécrétée, salivée, déversée
Comme le lait sur les cimes.
Les pleurs de l’affamée.
Le sang du supplicié.
Leur douleur, seule,
Peut en rendre compte.
NEIGE
J’aime le parfait éclat de la neige
En mon âme réconfortée.
La pureté de ses eaux
Qui ont délaissé
Les couleurs de la vie
Pour ensuite revenir
Me les dissimuler.
Ces grands amas d’étoiles blanches
Qui aiment chasser les ombres,
Traquer leurs traces franches
À mes versants les plus sombres,
Et à mes oraisons,
Poser leur vision d’infini.
FOI DE RAPPORTEUR
Mensonge exultraordinaire
Et MAJUSCULE.
Tatenculaire… !
Aveugles et sourds,
Voyez et entendez…!
Ce que l’on dit est vrai
Et ce que l’on montre aussi.
Foi de morue…!
Et foie d’expert…!
Des preuves…?
De quoi…? Des preuves…?
Mais les voilà, nos preuves…!
Dans les croyances martiales
De nos concitoyens.
Il t’étreint, ce MENSONGE
Sans t’être adressé.
C’est à d’autres qu’il est destiné.
Prends garde
À ce qu’aucun
De tes enfants
Et parents ne le croit.