Poèmes en hommage à mon père

Publié le par Marin Stéphane

LES MOTS DE MA MÈRE

 

Je suis ton séjour

Errante de la vie

Tranchée aux décors

Des édifices imaginaires

 

Une épopée à inventer

Dont la démesure

Est à l’œuvre

L’obsessionnelle

Qui gomme ses traces

D’inexistence

 

Étrange alliance

Qu’atteste un quotidien

Aux tours de table

Des partitions secrètes

 

Dis-moi tout, cannibale !

De ta haine, de ton désir

Et du plaisir à posséder

Mon altérée

 

Pendue à son trousseau

Une multitude faite d’imprésence

Et parfois, lui, dans l’inabsence

Et moi qui oscille aux frontières

Sur le sentier des murs

Au passoir des grands chemins

Aux vents mauvais

Et déjà en partance

 

Homme désemparé !

Tu pleures un navire fou

Tes amis ne plaisent plus

A l’amante en exil

Qui rassemble au trottoir

La plaie des choses

Jetées à ta figure 

 

D’une queue entière

Un demi-queue

Un séducteur

Un endeuillé

Qui parle

Chuchote

Des hurlements

Des rêves d’enfants

 

Maitre-meuble !

À tes muses, l’enfer

Des saintetés tenancières

Ils crèvent de foie

Ces doigts si maltraités

Quand ils fricotent

Le blanc-noir de la vie

Avec cette manie d’astiquer

D’ignorer le tapage, la trahison

Les jalousies au goût de meurtre

Les lieux d’inceste

La magie qui se perd

Et quand à force

Ils ont pleuré

Avant de lâcher prise

Ouvrant l’espace aux infidèles

 

Ma pensée vérité

Dans mon discours-maison

À tous lieux

Paysages qui s’emboitent

Poupées russes au rebut

Comme cercueils

D’une famille toute entière

Féologie !

 

À jamais dupe de ton amour…

 

 

PHOTOGÉNIQUE

 

Il n’y avait rien de plus précieux

Aux plis des livres secrètement veillés

Rien d’aussi beau et hypnotique

Confié au culte de nos mille souverains                          

Rien de plus magistral en ces gravures profanes

Que tes seins de madonne et ton cul chimérique

 

 Nul besoin de les relier. Je les étale

Et j’en dispose aux murs de ma chambrée.

J’en écris des poèmes affligés

Qui rivalisent avec ton sexe

Mais qui n’ont pas

Le grand pouvoir de l’incarné.

Je vais l’enlever à son enclos

Et le poser en mes décors.

                  

Il n’y a rien de plus précieux

Que ce goût de noisette

Et ce parfum de lait

Qui me reviennent à l’âme

… Et de savoir mon privilège.

 

 

RACIALES

 

Demandons à Shakespeare ce qu’il en dit

Il en fait une affaire d’écus.

La peur d’une infortune

En des natures méfiantes.

Connaissant l’homme

Comme le fond de sa culotte,

Il sait que nous sommes tous des frères

Les fils d’Adam et Eve

Caïn-cahan, Abel et Bête…

 

 

MARTIALES

 

Patiente…

Tends l’inertie

Aiguille le choc

Ne livre pas tes forces

À l’inconnu

Et au contraire

Lâche ses revers…

Art digne de l’effacement…

 

PROSAÏQUE

 

Je ne me souviens d’aucune immensité,

Faute d’en avoir aimée ou détestée,

Plus propice à ma prose que tous vos paysages…

Mais de cette langue monotonie, mêlant coliques

À ces murs de façades, à ces falaises désagréées.

 

Je daigne pourtant m’en inspirer,

Faute d’en vouloir aimer ou détester,

Un, une, et autres que moi-même, un peu trop sage,

En ses détours, ses calembours mnémologiques,

Méli-mêlant le nord au sud et les grands axes émondés.

 

Les marins en socquettes, au membre entier

De l’ineffable Jean Genêt.

Les amantes affairées, abusant des images,

De la Néva et de ses sources névralgiques

Mêlées au sang des ormes et des félicités.

 

Les très tranquilles insignifiés

De l’intranquillité

Pour quelques lignes en héritage

La quintessence de l’ombilic et du lombric.

Dadaïstes inconnus mais jamais oubliés

 

Je suis en verve après un gamay bien chanvré.

Rimes en rhizomes décérébrés

Dans l’écheveau des marécages

Et des mystères astrophysiques,

Des infinis sonores qui m’auront précédé.

 

 

JUNKIE

 

Les diarrhées comme l’eau pure du ruisseau.

Les constipures, pierres de silex.

Les vomissures, celles des gargouilles

Torrentes des spasmes de l’orage.

Nourri de rêves et de sommeil,

De l’eau du ciel.

La strie des lymphes sanguines

Perle à mes tempes et à mon cou

Sous ma griffe somnambule.

Tétanos bleuissant. Colonies électriques.

Crapeau enkysté

Aux armes qu’il me reste.

Fidèle nausée…

Douce asphyxie…

 

Et l’attente… hivernale !

Effroyable ! De prières et d’incantations.

La trahison de l’employé.

Les prévenants ont la garantie d’être morts.

Les oublieux, eux, luttent encore… tout contre.

Au corps-à-corps avec leur sang.

Et quand dans leur cœur sonne l’emprise…

Tous ces battements… les pas du rituel…

Battements de pucelle…

Sont comme des cillements d’air.

Douce asphyxie…

 

 

JE T’AIME

 

Je t’aime…

À cet instant, je t’aime…

Demain, peut-être pas

Mais très sûrement

Le lendemain

Je t’aime…

Puis je t’oublie…

Ne sois pas triste

Car tu reviens toujours

En mon ennui

Et tu conduis la note

Que les bruits tout autour

Ont tenté d’étouffer

 

 

EXEMPLE

 

En exemple : les pornographes…

Mental de tirailleur

À mille combats

Du pauvre artificier

 

Le droit et l’ouverture…

Mon âme au diapason

Mise hors d’émoi

Nudifiée à présent

De son très juste emploi

 

Où l’on exchange

Sa vaine parure

Contre une rivière

Et l’eau et l’air

Qui la caresse

 

Où nul tourment

Ne trouble les unifiants

Où aucune âme

Ne s’est noyée

 

 

 

DOULEUR

 

De toi, je serai chair. Uniquement chair.

Le sang dans la machine.

Les crampes et tremblements.

Les déchainements.

La brûlure au milieu

Qui irradie.

L’infatigable frisson.

La crispation.

Le secret de ta force.

 

L’eau, l’ure, le sang,

Les râles, les soubresauts.

L’âme nouée à la chair.

Sécrétée, salivée, déversée

Comme le lait sur les cimes.

Les pleurs de l’affamée.

Le sang du supplicié.

 

Leur douleur, seule,

Peut en rendre compte.

 

 

NEIGE

 

J’aime le parfait éclat de la neige                         

En mon âme réconfortée.

La pureté de ses eaux

Qui ont délaissé

Les couleurs de la vie

Pour ensuite revenir

Me les dissimuler.

 

Ces grands amas d’étoiles blanches

Qui aiment chasser les ombres,

Traquer leurs traces franches

À mes versants les plus sombres,

Et à mes oraisons,

Poser leur vision d’infini.

 

 

FOI DE RAPPORTEUR

 

Mensonge exultraordinaire

Et MAJUSCULE.

Tatenculaire… !

Aveugles et sourds,

Voyez et entendez…!

Ce que l’on dit est vrai

Et ce que l’on montre aussi.

Foi de morue…!

Et foie d’expert…!

Des preuves…?

De quoi…? Des preuves…?

Mais les voilà, nos preuves…!

Dans les croyances martiales

De nos concitoyens.

 

Il t’étreint, ce MENSONGE

Sans t’être adressé.

C’est à d’autres qu’il est destiné.

Prends garde

À ce qu’aucun

De tes enfants

Et parents ne le croit.

 

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