Poèmes en hommage à mon père
OMBRES ET CONTOURS
D’aussi loin que je me souvienne,
D’avant que les fluides n’affectent mon innocence,
La vie était douce.
Inodore, inaudible, invisible.
Et jamais, ô grand jamais,
Peur ne m’avait été infligée.
Confiés aux lois occultes ;
À l’obscur naissant, je goûtais.
Et pour la première fois, à la trappe ;
Dans les ténèbres où je me rencontrais,
Et où les rats doivent encore craindre ma colère.
À ma sixième année,
Aucune magie n’ayant troublé ma vue
Et convié comme chacun sait
Au cirque des illusions,
Je fus témoin du grand miracle.
-« Est-ce vrai ? »
Ai-je demandé.
Sur les visages muets,
Des ombres ont traversé les rayons blancs,
D’indices contours sont apparus.
HORS DES PRISONS
Ah…! Le ventre en feu…
Quelle rigolade !
L’étripe-nerfs
L’ambitieux tartempion
…Faisons ce qu’il nous dit
Fils de mauvaises augures
Mourrons, ressuscitons
Livrons bataille
Béruriers rois !
Tremblons les murs
Et dégageons
Hors des prisons !
HORS DES PRISONS !
Mornes cimetières
Glaires noirs
Terres délinquantes
Ah… ! Ça m’étrangle
Ça me violace
Ressortons les six-coups
Et tirons nous le portrait
Vite fait !
Sur qui tu pleures ?
La Mort-en-habit se moque de toi
Pas de ton fils caméléon
L’ŒIL DU CYCLONE
Muté arbre,
Désincarné,
Transmis aux cernes
Et à la sève,
Aux lentes remontées
Le Cœur et la Fibre.
Le battement du matin
Qui ne s’éteint qu’au soir.
Au ciel d’éclairs,
Celui du soir
Qui revient le matin.
Émanant des tornades.
Œil ouvert dans la terre.
En leur sein, identiques.
Une seule respiration ;
Mais un milliard de jours.
Et comme un homme
Né de la fange et de la foudre.
Couché à terre sous les étoiles
Et bienheureux…
Ils me poussent des repousses
Et d’affamés gourmands.
SILENCE, ON TOURNE…!
Le monde s’est alourdi
D’environ cent milliards de tonnes
De petits détritus,
D’infimes poussières comiques ;
S’est chargé d’électricité.
Un neutrinos n’a pas été trouvé
Pas même une goutte de son
Et pourtant il y en a du bruit.
Le bruit des nervures indécises,
Des factures impayées.
Le froissement des plis.
Le cri des Munchs.
Des plaies à vif.
Des éboulements de tambours.
Ceux de la grande rumeur
Qui recouvre les villes
Des laborieux, des souffles encavés.
Les bruits cachés de toutes parts
Qui résonnent parfaitement.
Des bruits dans la tête…
Contre des silences
Qui ne peuvent s’entendre.
RAME NOIRE
Tels des lymphons de goudron noir
Repoussés dans les coins,
Glués à l’obstacle
Au fond du lit du fleuve séché.
La rame est leur fleuve.
Noire. Extrêmement noire.
Faussement soie.
Erodés à l’inverse.
Stalagmites carbonées.
Le deuil du fleuve, peut-être ?
Un deuil interminable…
Plus long que le bras creux des pensées.
Plus long que la mer, le ciel,
Et le lait du ciel.
Livide dans le noir.
Le funérail de tout.
Vos obsèques à l’affiche.
Fagots de rhizomes tout moisis ;
Sagement assis, vous êtes sous terre.
Autorisation d’exhumer !
MAGNÉTIKA
Intension du geste…
Le corps balance à l’envie
Et le reste suit…
En soi, les insondables,
L’eau, l’onde, la particule.
Et en leur force infinie,
Les univers de la chair
S’étirent sous ta peau,
Tressaillent, sèvent
Et inondent le monde.
Ils culminent à toute chose
Et règnent à travers toi,
Magnétika… !
Comme le temps sur toute vie.
En toi, l’arc double de la terre
Forme un centre.
À un seul de tes doigts,
Un milliard d’auréoles.
Et à ta seule venue,
Les astrales entre les murs,
Se ravisent… cherchent enfin l’équilibre…